Venérable Madeleine Delbrêl, missionnaire sans bateau !

La parole de Dieu, on ne l’emporte pas au bout du monde dans une mallette : on la porte en soi, on l’emporte en soi.
On ne la met pas dans un coin de soi-même, dans sa mémoire comme sur une étagère d’armoire ou on l’aurait rangée. On la laisse aller jusqu’au fond de soi, jusqu’à ce gond où pivote tout nous-même.

On ne peut pas être missionnaire sans avoir fait en soi cet accueil franc, large, cordial à la parole de Dieu, à l’Évangile.
Cette parole, sa tendance vivante, elle est de se faire chair, de se faire chair en nous.
Et quand nous sommes ainsi habités par elle, nous devenons aptes à être missionnaires.

Mais ne nous méprenons pas. Sachons qu’il est très onéreux de recevoir en soi le message intact. C’est pourquoi tant d’entre nous le retouchent, le mutilent, l’atténuent.
On éprouve le besoin de le mettre à la mode du jour comme si Dieu n’était pas à la mode de tous les jours, comme si on retouchait Dieu.
Si le missionnaire-prêtre est le porte parole de la parole de Dieu, nous, missionnaires sans sacerdoce, nous en sommes une sorte de sacrement.

Une fois que nous avons connu la parole de Dieu, nous n’avons pas le droit de ne pas la recevoir ; une fois que nous l’avons reçue, nous n’avons pas le droit de ne pas la laisser s’incarner en nous, une fois qu’elle s’est incarnée en nous, nous n’avons pas le droit de la garder pour nous : nous appartenons dès lors à ceux qui l’attendent.

Madeleine Delbrêl (1904-1964)
texte extrait de “Nous autres, gens des rues”.